Ajoutez
Le contexte d'aujourd'hui est propice aux modifications de réalités historiques pour convenances politiques et aux disparitions de vécus qui ne présentent selon nos codes occidentaux aucun intérêt, ni politique, ni artistique.
Laisser se décomposer une partie de cette réalité, c'est tourner la tête ailleurs, vers d'autres horizons plus propres. La mémoire de ces lieux et de ces temps s'efface sur la pointe des pieds. C'est pourquoi, j'aborde la décomposition d'une culture industrielle dont les coulisses ne doivent pas être dévoilées, coulisses dont on est peu fier, destinées à disparaître à jamais comme si de rien n'avait été; Enfouir, effacer, oublier pour ne pas culpabiliser !
Photographier ces lieux lâchés aux intempéries afin d'y déceler des traces de vécus de gens ordinaires, d'une culture du travail, d'imaginer des atmosphères, pour s’en souvenir, c’est raconter des histoires qui se délitèrent secrètement.
Cette décomposition a sa propre esthétique, une esthétique dérangeante et refoulée car moche au regard des codes du beau de nos sociétés modernes, mais aussi en rapport à l'histoire de notre culture économique. Tous responsables, tous exploiteurs des uns et des autres pour consommer, consommer encore et encore, sans jamais regarder derrière soi un décor de désolation. Et pourtant, cette esthétique vraie, si singulière, remplit notre quotidien car le beau consommé n'est finalement que la métamorphose de cette décomposition, un beau factice qui n'est que perception. Une société construite sur la décomposition ne peut que se décomposer à son tour.
Comprendre et partager pour accompagner le spectateur-consommateur à se tourner vers l'irregardable, cette décomposition de la matière et de notre culture, à regarder dans les yeux sa honte et sa culpabilité pour les sublimer comme un possible espoir de lendemains meilleurs.
Photographier permet de suspendre le temps pour ramener à la mémoire ce qui fût et qui continue d’être sous d’autres formes. Photographe autodidacte, j’immortalise les dernières empreintes d’histoires extraordinaires de femmes et d’hommes dans des lieux où elles se décomposent car abandonnées et interdites au souvenir. Ces laissées-pour-compte jetées en pâture à l'usure du temps méritent toute notre attention. Il existe des monuments funéraires qui célèbrent les morts pour la France, mais aucune stèle ne se dresse fièrement pour honorer ces hommes et ces femmes qui ont construit cette France économique. Eux aussi sont de vrais patriotes, eux aussi comptent leurs morts et leurs gueules cassées.
C’est pourquoi, je m’inscris dans une démarche de mémoire en photographiant des atmosphères, des bâtis et leurs histoires qui s’évanouissent furtivement sous nos yeux parce que moches, dérangeants, et que l’on croit injustement sans intérêt historique et culturel alors qu’ils ont été eux aussi témoins de vies, d’ambitions, de démesures et de déceptions…
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